viernes, octubre 25, 2013

Hommage à Aung San Suu Kyi et à son époux, le Prof. Dr Michaël Aris.


 

La mobilisation pour la libération d’Aung San Suu Kyi, intervenue en 2010, a été particulièrement importante à Ottignies-Louvain-la-Neuve où elle a été nommée docteure honoris causa de l’Université catolique de Louvain et citoyenne d’honneur de la Ville en 1998.
Voici un rappel de ces faits majeurs à l'occasion de sa présence à l'UCL samedi dernier, 19 octobre 2013, pour exprimer sa reconnaissance à notre Université et pour approfondir avec la communauté universitaire le thème "Charité et compassion en politique".
1. Présentation d’Aung San Suu Kyi par le professeur Guy Horsmans, doyen de la Faculté de droit de l'UCL, lors de sa promotion comme Docteure honoris causa de l'UCL, le 2 février 1998.
2. Discours prononcé par Michaël Aris au nom de son épouse, Aung San Suu Kyi, lors de sa promotion comme Docteure honoris causa de l'UCL, le 2 février 1998.
3. La mobilisation de l'UCL pour la libération d’Aung San Suu Kyi.
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Photo : Image de Aung San Suu Kyi en 2009, lorsqu'elle a demandé : "Usez de vos libertés pour promouvoir les nôtres".
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1. Présentation d’Aung San Suu Kyi par le professeur Guy Horsmans, doyen de la Faculté de droit de l'UCL, lors de sa promotion comme Docteure honoris causa de l'UCL, le 2 février 1998.
Lorsque des hommes et des femmes sont assassinés, lorsqu'ils sont torturés, brûlés ou blessés, lorsqu'ils sont méconnus dans leur esprit et dans leur cœur, lorsqu'ils ne peuvent plus ni nourrir ni exprimer des idées et des souhaits et qu'ils doivent se conformer à des comportements qui leur sont imposés au mépris de leur valeur et de leur légitime attente, lorsque leur humanité leur est refusée en tout ou en partie, de manière essentielle ou de manière insidieuse, lorsque le pouvoir en place tolère, suscite ou organise les horreurs de ces actes inhumains et dégradants, lorsque nous y assistons en prétendant ne pas les connaître, lorsque nous ne voulons pas les connaître à prétexte que nous ne voulons pas nous immiscer dans la politique d'autrui, lorsque nous refusons d'observer et d'analyser la portée et l'étendue de ces actes inhumains et arbitraires, lorsque nous refusons d'intervenir, lorsque la lâcheté rejoint l'horreur, comment contribuer, sans rougir et sans hypocrisie, à la formation de nos étudiants ? Comment répondre à leur étonnement, à leur surprise, à leur refus et à leur peur ? Comment les inviter à remettre à plus tard la réalisation des exigences et des valeurs qu'ils veulent vivre au présent ? Comment réconcilier l'abstrait et le concret, les leçons et la vie, les espoirs et les réalités ?
Je crois, Monsieur le Président de l'AGL, Messieurs les étudiants, Mesdemoiselles les étudiantes, que notre communauté universitaire s'y efforce avec courage et persévérance. Mais elle le fait avec force et fierté lorsque des personnalités éminentes acceptent de la rejoindre et enrichissent son action par des témoignages qui répondent à votre attente et donnent sens et valeur à toute action et à tout enthousiasme.
Monsieur le Recteur, j'ai l'immense honneur de présenter à notre communauté universitaire une personnalité qui donne l'espoir à son peuple, qui donne l'espoir à toute la communauté humaine. La Birmanie est son peuple. Le monde est son horizon.
Madame Aung San Suu Kyi a été conçue et est née dans la grandeur et la fierté de la conquête de l'indépendance de son pays, de la reconnaissance souveraine d'un peuple, de sa culture et de son avenir. Son père, Aung San, fut en effet le héros de l'indépendance. Il forma l'armée d'indépendance qui lutta contre les colonisateurs anglais d'abord, l'envahisseur japonais ensuite et fut le négociateur qui obtint et signa à Londres la promesse de l'indépendance de la Birmanie. Celle-ci fut proclamée le 4 janvier 1948. Mais Aung San n'eut pas le bonheur de la connaître. Il fut assassiné, en plein conseil, deux mois auparavant. Ainsi Aung San Suu Kyi, âgée de deux ans à peine, fut-elle marquée du sceau de la tragédie.
Elle a fait des études à Rangoon et à New Delhi où sa mère représentait la Birmanie et a obtenu une bourse à Oxford au St Hugh's Collège. Elle y a étudié les sciences politiques, la philosophie, l'économie. Deux ans après avoir obtenu son diplôme, elle a travaillé aux Nations-Unies pendant trois ans. Elle est revenue en Angleterre en 1972 où elle a épousé notre collègue Michaël Aris, spécialiste en langue tibétaine et professeur à l'Université d'Oxford. Ils ont eu deux fils et Madame Aung San Suu Kyi s'est consacrée à leur éducation en poursuivant des études de littérature anglaise.
Elle a appris le japonais et accepté un poste de recherches à l'Université de Kyoto. Elle a également travaillé à Simla à l'Indian Instituts of Advanced Study et veillé, dans la profonde admiration filiale qui était la sienne, à une étude attentive de la vie de son père et de l'environnement culturel en Inde et en Birmanie. Elle s'apprêtait à rédiger une thèse doctorale sur la littérature birmane à l'Université de Londres quand elle a été appelée au chevet de sa mère qui était malade à Rangoon.
Notre collègue Michaël Aris révèle que lors de ce coup de téléphone, il a eu la certitude que sa vie allait changer et que son épouse rejoignait la destinée dont il avait ressenti la vraisemblance, sinon la certitude, depuis son mariage.
Madame Aung San Suu Kyi est venue soigner sa mère au moment de l'explosion des révoltes estudiantines face à la junte militaire et à sa politique d'oppression. Il n'est pas trop tard pour nous souvenir de tous ces étudiants qui ont généreusement payé leur tribu à la liberté et aux droits de l'homme. Il n'est pas trop tard pour les pleurer et pour les admirer. Il n'est pas trop tard pour nous souvenir qu'avec naturel, force et détermination, Madame Aung San Suu Kyi s'est mise à la disposition de tous ceux qui, dans son pays, en appelaient à la dignité humaine et à la démocratie. Il n'est pas trop tard pour revenir, avec une profonde émotion, à ce premier discours public que Madame Aung San Suu Kyi a prononcé, le 26 août 1988, à la merveilleuse pagode Schwedagon.
La fille et le père se sont rejoints dans le symbole qu'ils représentent, l'un et l'autre, pour l'avenir du peuple birman et le développement de sa culture dans le plus profond respect des droits de l'homme.
Le 18 septembre 1988, les militaires ont repris le pouvoir et ont créé le SLORC (Conseil pour la Restauration de la Loi et de l'Ordre de l'État), ont dissout toutes les institutions d'état et ont changé le nom du pays en Myanmar. À la suite de nouvelles manifestations, le SLORC a promis des élections démocratiques pour 1989 mais en même temps a interdit tout rassemblement politique.
Au mépris de cette interdiction, Madame Aung San Suu Kyi a fondé, avec Messieurs U Tu et U Kye Meung, la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD) dont elle est devenue le secrétaire général.
La junte militaire a alors déclaré Madame Aung San Suu Kyi inéligible et l'a assignée à résidence.
Non obstant les mesures prises à son encontre et à celle de ses partisans, les élections furent un triomphe. Il s'avéra, en effet, lorsqu'on comptabilisa les bulletins, que la Ligue Nationale pour la Démocratie (NLD) avait obtenu plus de 80 pour cent des voix. Mais le SLORC a ignoré ces résultats en déclarant que les élections n'avaient eu lieu que pour établir une nouvelle constitution.
Assignée en sa résidence depuis 1989, Madame Aung San Suu Kyi a poursuivi sa lutte et le monde a reconnu son action.
Comme l'écrit Vaclav Havel dans la préface d'un ouvrage consacré à Madame Aung San Suu Kyi : « Under house arrest, she has lived in truth. She is an outstanding example of the power of the powerless... Aung San Suu Kyi cannot be silenced because she speaks the truth and because her words reflect basic Burmese and universal concepts.» En 1990, le Prix Sakharov lui fut décerné par le Parlement européen. En 1991, elle reçut le Prix Nobel de la Paix.
Madame Aung San Suu Kyi ne peut être présente à cette cérémonie car, si elle quittait son pays, les autorités militaires ne lui permettraient pas d'y revenir. Mais ce matin, nous avons reçu une vidéo qui, mieux que mes paroles, vous traduira sa rayonnante présence, sa ferme conviction en la démocratie, malgré les circonstances dramatiques dans lesquelles doit vivre son peuple, et la persévérance de son action. À douze mille kilomètres... la nuit est tombée, une grande dame a terminé sa journée de prières, de méditation, de pensée et d'actions. Voulez-vous suivre ses pas et entendre son message...
◊ Projection de la vidéo ◊
À ces images de charme, de force et de conviction, qui justifient le choix de notre communauté universitaire, j'ajouterai simplement que pour Madame Aung San Suu Kyi, les minutes de ce film représentent des années et que depuis dix ans, la fille de celui qui a conquis l'indépendance de la Birmanie veut que son pays connaisse la démocratie.
Cette femme, cette grande dame, vit tous les jours sous la junte militaire qui la séquestre, surveille ses déplacements, empêche les visites, contrôle et arrête ses amis et ses partisans et mène une campagne de diffamation la plus ignominieuse qui soit. Il suffit de quelques jours en Birmanie pour se rendre compte que la presse officielle parle de la sorcière, de l'étrangère, de l'inutile, de l'adversaire de l'armée nationale, de l'adversaire du développement économique. Tous les jours, de façon lancinante, des mensonges sont dits et sont répétés et malgré cela, vous l'avez vu, Aung San Suu Kyi fait front, les yeux clairs et profonds, l'attitude droite et digne. L'élégance de la maturité réfléchie et volontaire. Ses yeux trahissent ses choix et son corps porte son esprit.
Oui, Madame Aung San Suu Kyi, la communauté universitaire de Louvain-la-Neuve vous admire.
Madame, nous vous admirons pour votre foi, pour votre modestie, pour l'harmonie de votre pensée et de votre action ; pour votre tolérance et votre volonté permanente de dialogue ; pour votre refus de toute violence; pour votre recherche permanente des valeurs birmanes et des valeurs universelles; pour votre amour de votre peuple et de toute l'humanité.
Votre père, que vous admirez tant, serait tellement fier de vous. Nous le sommes également et sommes profondément heureux que vous ayez accepté de faire désormais partie de notre Université.
Vous m'avez dit et répété que les jeunes birmans étaient les premiers destinataires de votre témoignage et de votre action. Vous m'avez dit et répété qu'au delà de tous les jeunes birmans, votre message était destiné, avant tout, à tous les jeunes et qu'en ces jours, vous songiez particulièrement à tous les étudiants de l'UCL.
Je me permets donc, sous votre égide, de leur dire ceci :
- La plus haute aspiration de Madame Aung San Suu Kyi est vraiment d'ordre spirituel : la pureté de l'esprit. La religion et la méditation marquent sa vie et guident son action.
- Une fille a entendu prolonger l'action de son père. En 1988, elle a décidé de consacrer toute sa vie aux valeurs fondamentales, aux droits de l'homme, à la liberté, à la dignité et à la démocratie.
Depuis lors, elle a, au jour le jour, vécu ses choix et respecté ces valeurs. Elle l'a fait avec une constance et une persévérance qui force l'admiration. Sans autre espoir de réussite que d'être sûre et convaincue de devoir le faire. Sans hésitation. Sans réserve. Pleinement et totalement.
- Convaincue de ses choix et inébranlable dans son action, Madame Aung San Suu Kyi ne cesse, dans un esprit de tolérance et de réconciliation, d'en appeler au dialogue. Tel fut son message après plus de six ans de séquestration. Tel est encore son appel malgré toutes les exactions, les vexations et les brimades. Elle a toujours pensé que la réconciliation, la stabilité et le bonheur de son peuple dépendaient du bon vouloir de toutes les parties. Elle a souligné, à l'adresse de son peuple et à celle de tous ses opposants, que seuls la discipline et le courage — sans la rancune —aideraient à réaliser les aspirations légitimes. Elle sait que les forces démocratiques doivent travailler lentement, sûrement, intelligemment et avec courage.
- Madame Aung San Suu Kyi a entendu se mettre au service de son peuple dans un esprit d'humilité et de modestie qu'elle traduit en ces termes : « Et pourtant, vous êtes essentiel à votre place, même si vous n'êtes pas de grande importance. Tout le monde est essentiel. Mais vous devez avoir une vision équilibrée de votre place dans le monde, avoir assez de respect pour vous-même pour comprendre que vous aussi avez un rôle à jouer et, en même temps, assez d'humilité pour accepter que votre rôle n'est pas aussi important que vous ou certaines personnes pourraient le penser.»
- À aucun moment, dans cette lutte incessante où, femme seule, elle s'est opposée à 400000 militaires dotés des armes les plus modernes, elle n'a cédé à la moindre violence et elle s'est toujours refusée d'y inciter sous l'une ou l'autre forme : il vaut mieux dialoguer face à face, discuter avec des mots et non à coups de fusil. Elle rappelle sans cesse que seul le processus démocratique permet les changements sans violence et qu'à cette fin, il faut éviter les idées extrémistes.
- Madame Aung San Suu Kyi est birmane. Elle l'a toujours été et le demeurera toujours. Elle représente aussi le rêve universel d'amour, de justice et de liberté.
- Madame Aung San Suu Kyi livre à chacun d'entre nous et spécialement à chacun de nos étudiants ce message de présence, de lutte pacifique et de foi : « Vous ne devez jamais laisser votre peur vous empêcher de faire ce que vous considérez juste. Vous avez le droit d'avoir peur. Vous êtes capable de gouverner votre vie malgré vos peurs. Le courage vous vient si vous prenez l'habitude de refuser que la peur vous dicte vos actes. »
On comprend qu'au delà du silence qui leur est imposé, les birmans, en grand nombre, disent et répètent ce que notre communauté universitaire reprend à son compte : quoiqu'il arrive, Madame Aung San Suu Kyi nous aura rendu l'espoir. Il y a quinze jours, l'accès à sa maison fut refusé à mon épouse et à moi-même. Nous nous sommes précipités au siège de son parti où des dizaines d'hommes, de femmes, de jeunes et d'enfants circulaient, plaisantaient et discutaient autour de sacs de riz amoncelés les uns sur les autres. Nous avons signalé à un des jeunes que nous aurions voulu remettre, au nom de notre Recteur et de toute la communauté universitaire, le livre de notre Université à celle qui en devenait membre, Madame Aung San Suu Kyi. Il nous fut demandé d'attendre quelques instants et tous les regards et tous les sourires des personnes présentes nous furent adressés avec sympathie, affection et chaleur.
Au bout d'un quart d'heure, un murmure, un frémissement de plus en plus pressant est monté à l'entrée de la maison du parti. Des applaudissements se sont fait entendre. Ils ont pris plus d'ampleur. Ils ne provenaient plus des mains mais des cœurs. Aung San Suu Kyi est apparue au milieu des siens.
L'émotion fut intense et nous nous sommes retrouvés, avec une chaleur plus profonde encore que celle que j'avais ressentie en lui rendant visite, au mois de janvier dernier, en sa villa près du lac.
Nous avons alors passé de longs moments ensemble. Des moments inoubliables dont je voudrais ce soir être porteur. L'émotion appelle le silence et, à la manière asiatique, les corps s'inclinent, les mains se joignent et les regards s'échangent. Puis-je vous convier à franchir les distances et à imaginer qu'à l'instant même, Madame Aung San Suu Kyi entre dans cet auditoire.
Je ne doute pas qu'à l'exemple de son peuple, vous serez saisis d'une immense admiration et d'une profonde affection et que vous prolongerez les applaudissements que Madame Aung San Suu Kyi a suscités dans cette maison de Rangoon et que mon épouse et moi-même conservons dans notre cœur.
Pour toutes ces raisons et pour celles que nous découvrirons ensemble dans le combat que sous l'égide de Madame Aung San Suu Kyi, nous mènerons pour la démocratie et pour la liberté, je vous prie, Monsieur le Recteur, de bien vouloir décerner à Madame Aung San Suu Kyi le titre de docteur honoris causa de notre Université.
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Photo : Aung San Suu Kyi est distinguée du prix Nobel de la paix le 14 octobre 1991. Les membres du comité norvégien la récompensent en tant que « leader de l’opposition et avocate des droits de l’homme ». Toujours en liberté « surveillée », c'est son mari Michaël Aris et leurs deux fils - Alexander (18 ans) et Kim (14 ans) - qui se rendent à Oslo pour recevoir le prix. (Oslo, 10 décembre 1991.) Source : Le Figaro.
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2. Discours prononcé par Michaël Aris au nom de son épouse, Aung San Suu Kyi, lors de sa promotion comme Docteure honoris causa de l'UCL, le 2 février 1998.
C’est avec fierté et grand plaisir que je suis ici, venu d'Oxford en Angleterre, pour accepter au nom de ma courageuse épouse ce grand honneur que votre université lui donne.
Bien que cela fasse maintenant trois ans que le régime militaire birman ne m'ait plus accordé la permission de la voir et plusieurs mois que je ne lui ai parlé au téléphone, elle a réussi il y a plus d'un an à me faire parvenir un message me demandant de la représenter ici aujourd'hui. Elle m'a instamment demandé de vous transmettre aussi clairement que possible ses remerciements les plus sincères pour cette reconnaissance de la justesse de sa cause. Elle est tout spécialement heureuse de recevoir cet honneur en compagnie de deux grands noms des droits de l'homme, Madame Messaoudi et le cardinal Etchegaray.
Mon remerciement s'adresse tout particulièrement au Professeur Guy Horsmans, doyen de la Faculté de droit, qui par deux fois a pris la peine de faire le voyage jusqu'en Birmanie pour voir Suu. Vous venez d'entendre de vive voix ses impressions. Quant à moi, je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine jalousie à la pensée qu'ils ont tous deux réussi à voir ma femme alors que l'on me refuse ce droit. Mais ne sommes-nous pas qu'une famille parmi des milliers d'autres séparés par la lutte politique.
Suu est convaincue que son pays ne pourra s'épanouir que lorsque son peuple sera délivré de la peur et que ses talents seront ainsi libérés. Sa croyance est que ceci ne pourra se réaliser que lorsque tous mettront de côté leurs différences au profit d'une loi civile fondée sur la volonté de tous. Ce but peut être atteint. Le fait que tant d'autres en Birmanie et à l'extérieur partagent ses convictions et se battent si loyalement avec Suu l'a aidée à lutter avec acharnement pendant toute une décennie.
C'est à cœur ouvert qu'elle reçoit ce geste de solidarité de la part de votre université. Je n'ai pas besoin de vous dire, étant celui qui prétend la connaître le mieux et l'aimer le plus, ce que je ressens à la voir reconnue de cette façon. Serait-elle venue elle-même à Louvain-la-Neuve, les autorités militaires l'auraient empêchée de retourner dans son pays pour continuer sa lutte. Quel soulagement éprouveraient-ils à la voir partir, quelle tristesse pour ses supporters ! C'est donc moi aujourd'hui qui suis ici. C'est un rôle que j'ai rempli ainsi que nos fils non pas en tant que son porte-parole politique mais simplement en tant que membres de sa famille proche. Moi qui bénéficie de la liberté de voyager, droit qui lui est refusé.
Le devoir de recevoir à la place de Suu les honneurs qui lui sont offerts nous ont conduits partout dans le monde. Nous étions par exemple à Oslo en 1991 pour recevoir le prix Nobel de la Paix. Je ne vais pas vous énumérer ses nombreux prix car la liste en serait trop longue. Tous sont le reflet de l'encouragement international dont Suu bénéficie pour le soutien de la cause des droits de l'homme.
Tout comme son père Ansin, le héros national birman, chercha l'aide extérieure pour l'indépendance de son pays en 1940, de même Suu cherche-t-elle de l'aide pour sa lutte pour la démocratie et la défense des droits de l'homme.
Il n'est pas de jour où Suu ne soit dénigrée par les médias officiels de son pays, pas de jour où elle ne soit calomniée, diffamée, ridiculisée et même insultée à la façon traître adoptée par les soldats ayant perdu tout sens de l'honneur et de la dignité. Mais elle, elle n'a aucun droit de réponse. Le ferait-elle, ce ne serait en aucun cas de la même façon car elle n'est pas personne à fléchir devant l'affront personnel. Bien au contraire. Elle ne cesse d'invoquer ses fidèles principes de justice humaine, de dignité et de non violence inspirée par sa foi bouddhiste. Elle n'a de cesse de parler de l'importance capitale d'une solution rationnelle pour tous les problèmes birmans. Mais plus que tout, elle fait appel à un dialogue pour qu'un accord politique puisse se faire sur des bases mutuelles de confiance et de respect.
En Birmanie, la notion de la voie du milieu est sanctifiée par les enseignements du Bouddha, si chers à tous les Birmans. Il nous dit que l'illumination ne peut s'obtenir qu'en s'efforçant de se maintenir à égale distance entre les deux extrêmes, le soin de soi-même et l'austérité. Dans le domaine politique, les leçons à tirer de ceci quant à la manière de rapprocher les extrêmes sont limpides. Il est clair cependant que le sacrifice de Suu et de ses supporters est un exemple à suivre pour l'armée. Elle et tous les autres ont tant abandonné pour la paix, le confort et la sécurité de la vie de famille, les plaisirs d'une vie facile. En effet, s'il est une leçon dans l'histoire de l'humanité que l'on doit apprendre, c'est celle qui dit que si vraiment la paix est ce que l'on veut, il faut être prêt à abandonner quelque chose pour l'obtenir. Lequel de ses pouvoirs, l'armée est-elle prête à abandonner au profit de la paix et du bien commun ? Les généraux auront-ils le courage de le faire ? Pour ma part, je pense que oui, mais le moment pour le faire n'est pas encore clair. Espérons qu'il est proche pour le bien de tous.
Je dois maintenant conclure et je vous remercie de votre patience. Je le fais avec la ferme conviction que la confiance que vous avez accordée à Suu et à l'importance de la cause qu'elle défend n'est pas mal placée. Bien au contraire et je suis convaincu que le temps n'est pas loin où vous pourrez partager avec moi la merveilleuse expérience de voir ses rêves, vos rêves, exaucés. Je vous remercie.
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3. La mobilisation de l'UCL pour la libération d’Aung San Suu Kyi
La mobilisation pour la libération d’Aung San Suu Kyi (intervenue en 2010) a été très importante à Ottignies-Louvain-la-Neuve où elle a été nommée docteur honoris causa de l’UCL et citoyenne d’honneur de la Ville en 1998.
Assignée à résidence par la junte birmane, Aung San Suu Kyi n’a pas revu son mari, Michaël Aris, décédé à Londres, le 27 mars 1999, d’un cancer de la prostate : la junte lui a refusé avec constance un visa mais incitait en revanche Mme Suu Kyi à se rendre à son chevet, en Angleterre.
Sûre qu’une fois partie elle ne serait jamais autorisée à rentrer, Aun San Suu Kyi avait refusé. Et Michaël, spécialiste du Tibet à l’université d’Oxford, est mort loin d’elle en 1999. "C’était le prix à payer : des milliers de gens donnent leur vie pour leur pays sans se poser de question, juste parce qu’ils pensent que c’est juste" (Luc Besson, réalisateur du film "The Lady" sur la vie d’Aung San Suu Kyi).
Le film de Luc Besson "The Lady" raconte une histoire d’amour hors du commun, celle d’un homme, Michaël Aris, et surtout d’une femme d’exception, Aung San Suu Kyi, qui sacrifiera son bonheur personnel pour celui de son peuple. Rien pourtant ne fera vaciller l’amour infini qui lie ces deux êtres, pas même la séparation, l’absence, l’isolement et l’inhumanité d’une junte politique toujours en place en Birmanie. "The Lady" est aussi l’histoire d’une femme devenue l’un des symboles contemporains de la lutte pour la démocratie.
"In the introduction to the collection of essays of Aung San Suu Kyi ‘Freedom from Fear’, Michaël Aris tells the readers, “ She never for a minute forgot that she was the daughter of Burma’s national hero, Aung San…Suu, who was born on 19 June 1945, has only the dimmest recollections of her father. However, everything she has learned about him inclined her to believe in his selfless courage and his vision of a free and democratic Burma…
…Suu wrote to me these words: Sometimes I am beset by fears that circumstances and national considerations might tear us apart just when we are so happy in each other that separation would be a torment. And yet such fears are so futile and inconsequential: if we love and cherish each other as much as we can while we can, I am sure love and compassion will triumph in the end.”
Michaël Aris and Aung San Suu Kyi
Between Aung San Suu Kyi’s house arrest and Michaël Aris’s death, the couple met just five times. Their children’s Burmese visas were deemed invalid and later cancelled. The little family unit could see the military junta’s effort to break Suu Kyi’s spirit by separating her from her children and her husband. But they stood by each other in spirit even though separated by continents. I find it hard to fathom – such relationships. How important nationalist struggles become and personal sacrifices leaders make. I truly hope these sacrifices see the positive light at the end of the day. Though I get crippled in my mind sometimes to see how insignificant humanly concepts are when it comes to the larger context of the universe. Earth is too small in the framework of the universe."
Extrait de "Archive for Michaël Aris, Food for Thought.".
Le Prix Nobel de la paix avait été décerné à Aung San Suu Kyi, représentée par son époux, en 1991.
25.10.13 | 18:35. Archivado en UniversidadesSociogenéticaÉticaPro justitia et libertateGeopolíticaAsiaBélgicaAung San Suu Kyi
 
22:42 Écrit par SaGa Bardon dans Actualidad 

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