domingo, septiembre 08, 2013

Le Père général jésuite juge abusive l'intervention militaire annoncée en Syrie


 

Surprise devant le comportement illégal et inhumain des Etats-Unis et de la France. J'avoue, je dois le dire, ne pas comprendre qui a donné l'autorisation aux Etats-Unis ou à la France d'agir contre un pays d'une manière qui, sans nul doute, ajoutera aux souffrances d'une population qui a déjà souffert plus qu'il n'est imaginable.
Appui à l'action du Pape contre l'action punitive annoncée. Nous jésuites, nous appuyons l'action du Saint Père à 100% et désirons du fond de notre cœur que l'action punitive annoncée n'ait pas lieu.
Un abus de pouvoir des Etats-Unis.Avec tout le respect que j'ai pour le peuple des Etats-Unis, je crois que l'usage précis de la force qui se prépare actuellement est en lui-même un abus de pouvoir. Les Etats-Unis d'Amérique doivent cesser d'agir et de réagir comme s'ils étaient le « grand frère » d'un quartier qui s'appellerait le monde. Une telle attitude conduit inévitablement à des abus, à des chocs violents et à des démonstrations de force devant les membres les plus faibles de la communauté.
Les Etats-Unis sont en train de provoquer une crise de confiance quant à leur véracité et à la rectitude de leurs intentions. Si des armes chimiques ont été utilisées, il faut encore satisfaire à l'obligation de montrer au monde, de manière claire, que cet usage est le fait d'un côté du conflit, et non pas de l'autre... Il faut démontrer au monde qu'il en est ainsi, sans laisser quelque doute que ce soit, afin que le monde puisse faire confiance à ce pays. Cette confiance n'existe pas actuellement, et les spéculations ont déjà commencé sur les visées ultérieures que les Etats-Unis pourraient avoir dans ce projet d'intervention.
L'intervention punitive annoncée augmentera la souffrance des victimes innocentes.Il faudrait que les moyens considérés comme appropriés pour punir l'abus commis à l'origine (une fois que l'on a montré que tel est bien ce qui s'est passé) ne blessent pas à nouveau les mêmes personnes, déjà victimes. L'expérience du passé nous apprend que cela est impossible (quand bien même on désignerait les victimes par l'euphémisme « dommages collatéraux »). Le résultat est qu'augmente la souffrance des citoyens ordinaires innocents et étrangers au conflit... Il est très préoccupant que, au nom de la justice, nous planifiions une attaque qui va augmenter la souffrance des victimes.
Nous sommes atterrés par la barbarie vers laquelle nous conduisent deux pays que nous admirons. Ce qui me soucie le plus est que précisément ce pays, que j'admire sincèrement, soit proche de commettre une grande erreur. Et je pourrais dire quelque chose de semblable à propos de la France... Que ce soit ces deux pays qui s'unissent aujourd'hui pour une aventure aussi horrible est l'un des éléments de la colère éprouvée en bien des pays du monde... ce qui nous atterre, c'est la barbarie vers laquelle nous sommes conduits.
Nous partageons le sentiment d'urgence du Pape. Le Saint Père prend des mesures extraordinaires pour nous rendre conscients de l'urgence du moment. Avoir déclaré la journée du 7 septembre comme temps de jeûne pour la paix en Syrie est une mesure extraordinaire, et nous voulons nous unir à cette initiative.
Il me paraît inconcevable et inacceptable que deux pays chrétiens se proposent de soumettre à nouveau le monde à la loi de la jungle. Il m'est très difficile d'accepter qu'un pays qui se considère chrétien - ou en tout cas qui fait référence à ce nom - ne puisse envisager que l'action militaire lorsqu'il se trouve face à une situation de conflit, au risque de conduire le monde, à nouveau, vers la loi de la jungle.
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Interview avec le Père Général sur la Syrie et la paix
04 septembre 2013
Q. Le Saint Père est sorti du protocole habituel pour parler en faveur de la paix en Syrie. Que pensez-vous de ce sujet ?
R. Je n'ai pas l'habitude de commenter les situations internationales ou les affaires politiques. Mais, dans le cas présent, nous sommes devant une situation humanitaire qui déborde les limites normales pouvant justifier le silence. J'avoue, je dois le dire, ne pas comprendre qui a donné l'autorisation aux Etats-Unis ou à la France d'agir contre un pays d'une manière qui, sans nul doute, ajoutera aux souffrances d'une population qui a déjà souffert plus qu'il n'est imaginable. La violence ou les interventions violentes comme celles qui se préparent ne sont justifiables que comme des moyens ultimes utilisés d'une manière telle qu'ils n'atteignent que les seuls coupables. Dans le cas d'un pays, cela est totalement impossible, et c'est pourquoi ce recours à la force m'est totalement inacceptable. Nous jésuites, nous appuyons l'action du Saint Père à 100% et désirons du fond de notre cœur que l'action punitive annoncée n'ait pas lieu.
Q. Mais le monde n'a-t-il pas la responsabilité de faire quelque chose contre ceux qui abusent de leur pouvoir par des actions contre leur propre peuple, comme dans le cas d'un gouvernement qui utilise les armes chimiques dans un conflit ?
R. Cette demande recouvre trois questions, qu'il convient de séparer clairement.
La première porte sur le fait que tout abus de pouvoir doit être condamné et rejeté. Avec tout le respect que j'ai pour le peuple des Etats-Unis, je crois que l'usage précis de la force qui se prépare actuellement est en lui-même un abus de pouvoir. Les Etats-Unis d'Amérique doivent cesser d'agir et de réagir comme s'ils étaient le « grand frère » d'un quartier qui s'appellerait le monde. Une telle attitude conduit inévitablement à des abus, à des chocs violents et à des démonstrations de force devant les membres les plus faibles de la communauté.
La deuxième est que, si des armes chimiques ont été utilisées, il faut encore satisfaire à l'obligation de montrer au monde, de manière claire, que cet usage est le fait d'un côté du conflit, et non pas de l'autre. Il ne suffit pas qu'un membre du gouvernement du pays qui désire attaquer dise qu'il en a la conviction. Il faut démontrer au monde qu'il en est ainsi, sans laisser quelque doute que ce soit, afin que le monde puisse faire confiance à ce pays. Cette confiance n'existe pas actuellement, et les spéculations ont déjà commencé sur les visées ultérieures que les Etats-Unis pourraient avoir dans ce projet d'intervention.
La troisième est que les moyens considérés comme appropriés pour punir l'abus commis à l'origine (une fois que l'on a montré que tel est bien ce qui s'est passé) ne blessent pas à nouveau les mêmes personnes, déjà victimes. L'expérience du passé nous apprend que cela est impossible (quand bien même on désignerait les victimes par l'euphémisme « dommages collatéraux »). Le résultat est qu'augmente la souffrance des citoyens ordinaires innocents et étrangers au conflit. Nous savons tous que le grand souci des sages et des fondateurs religieux de toutes les traditions et cultures est : « comment alléger la souffrance humaine ? » Il est très préoccupant que, au nom de la justice, nous planifiions une attaque qui va augmenter la souffrance des victimes.
Q. Vous n'êtes pas particulièrement dur contre les Etats-Unis ?
R. Je ne le crois pas. Je n'ai aucun préjugé contre ce grand pays et, en ce moment même, je travaille avec des jésuites de ce pays dont j'estime beaucoup les avis et l'aide. Je n'ai jamais eu de sentiments négatifs à l'égard des Etats-Unis, un pays que j'admire énormément pour beaucoup de raisons, parmi lesquelles son ardeur au travail, sa spiritualité et sa pensée. Ce qui me soucie le plus est que précisément ce pays, que j'admire sincèrement, soit proche de commettre une grande erreur. Et je pourrais dire quelque chose de semblable à propos de la France : un pays qui a été un véritable guide pour l'esprit et l'intelligence, qui a contribué de grande manière à la civilisation et la culture, et qui est maintenant tenté de conduire l'humanité à faire marche arrière vers la barbarie, et cela en contradiction ouverte avec tout ce qu'il a représenté durant bien des générations. Que ce soit ces deux pays qui s'unissent aujourd'hui pour une aventure aussi horrible est l'un des éléments de la colère éprouvée en bien des pays du monde. Ce n'est pas le fait d'attaquer que nous craignons ; ce qui nous atterre, c'est la barbarie vers laquelle nous sommes conduits.
Q. Et pourquoi parler ainsi maintenant ?
R. Parce que le problème se pose maintenant. Parce que le Saint Père prend des mesures extraordinaires pour nous rendre conscients de l'urgence du moment. Avoir déclaré la journée du 7 septembre comme temps de jeûne pour la paix en Syrie est une mesure extraordinaire, et nous voulons nous unir à cette initiative. Nous pouvons nous rappeler que, dans un passage de l'Evangile, les disciples n'étaient pas parvenus à libérer un jeune du mauvais esprit, et Jésus leur dit : « Ce type d'esprit ne peut sortir que par la prière et le jeûne ». Il m'est très difficile d'accepter qu'un pays qui se considère chrétien - ou en tout cas qui fait référence à ce nom - ne puisse envisager que l'action militaire lorsqu'il se trouve face à une situation de conflit, au risque de conduire le monde, à nouveau, vers la loi de la jungle.
08.09.13 | 19:49. Archivado en Pro paceÉticaPro justitia et libertateGeopolíticaJesuitas